C'était la semaine dernière lors de la première
C'était la semaine dernière lors de la première date de la tournée du chanteur "meurtrier", devant une salle comble et comblée. Environ 1200 fans, principalement ceux de l'époque d' "Où veux-tu qu'je r'garde?", de "Veuillez rendre l'âme (à qui elle appartient), "Du ciment sous les plaines" et après et encore et encore...
Cantat, on aime ou pas...ou plus. Certains ne lui pardonneront jamais, d'autres auront besoin de temps. Moi je me revois à seize ou dix-sept piges, la porte de ma chambre fermée à clef, Noir Désir à fond la caisse pour couvrir les cris de ma mère (que j'adorais faire chier)... Cantat, le grand frère de mon adolescence révoltée ne m'a jamais quittée. Renoncer à lui serait trop perdre de moi...
Ce n'est pas parce que j'en ai rien à foutre de l'opinion des groupuscules "féminazis" qui s'acharnent sur lui que je cautionne les violences infligées aux femmes, d'ailleurs et sans prétention, personne ne pourrait dire cela de moi. Je n'excuse pas son geste, Cantat l'inénarable a commis l'irréparable mais je soutiens de ma présence un "plausible" retour à sa vie...
Il n'a jamais nié sa responsabilité, n'a pas fait appel au jugement, purgé sa peine puis s'est vu réduit au silence. Aujourd'hui, il reprend dans un souffle son métier de chanteur à l'âme condamnée à perpétuité. Je reste intimement convaincue qu'ils s'aimaient et que ce terrible drame est l'issue fatale d'une engueulade qui a mal tourné entre deux esprits torturés, dévastateurs, défoncés... Un amour passionnel qui a tué Marie et détruit Bertrand... La passion ça tue, c'est bien connu (surtout quand on est connu).
Je me souviens exactement de ce que je faisais cette nuit du 26 juillet 2003. J'étais au concert de Tryo, entourée de mes potes et de celui qui deviendrait le père de nos enfants. Je dansais pieds nus dans l'herbe vêtue de la robe à fleurs qu'il m'avait offert pour ce soir d'anniversaire, une bouteille dans une main et parfois un pétard dans l'autre. Et le lendemain, des sanglots dans ma gueule de bois. J'avais mal à mon idole... Plus tard, j'ai chanté avec Thiéfaine, qui lui aussi (tout comme Christian Olivier, Mano Solo ainsi que quelques autres inconditionnels) accompagnera ma vie jusqu'à ce que la faucheuse me coupe le son.
"J'ai très souvent pensé à toi
Depuis ce matin de juillet
Où je t'ai vu traîner ta croix
Pendant que les idiots causaient
Le chagrin joue avec les lois
Et les lois jouent avec nos plaies
Les salauds sont pas ceux qu'on croit
Quand tout bascule à l'imparfait
Ronge tes barreaux avec les dents
Le soleil est là qui t'attend
Ronge tes barreaux avec les dents
Tes amis deviennent impatients" (Télégramme 2003)
Bien sur, j'attendais l'album avec impatience, la date de sortie prévue tombait telle une consolation le jour des soixante-dix ans de mon père. Pour patienter, "L'Angleterre" suivie d'"Anthracitéor", autre consolation au retour de Belle-Île. Et puis enfin, l'album en boucle, à fond durant des kilomètres...
Cantat me fait tomber à genoux et oui, je m'incline devant chaque ligne de son talent, aussi sombre soit-il. C'est comme ça et pour rien au monde je ne voudrais que ce soit autrement.
Aucun rassemblement pour s'opposer à la présence de "l'assassin", juste trois roses symbolisant la mémoire de Marie tenues par des femmes sous des parapluies devant l'entrée de la salle . Elles m'ont rendu mon sourire qui voulait juste dire "Paix sur son âme et si possible dans le coeur des vivants".
Son arrivée sur scène a été longuement ovationnée, autant par les battements de nos mains que ceux de nos coeurs... L'émotion était palpable entre l'Artiste et son public, quelques larmes impossibles à retenir... Les premières notes d' "Amie Nuit" m'ont vu disparaître pour vivre seule mes retrouvailles avec celui qui pour moi, restera le numéro un du rock français.
Purée, ça m'avait manqué tout ça... Transportée loin au fil de la setlist, transcendée par un grandiose "Ange de Désolation" de Détroit, un "Amor Fati" de folie, un retour vers Noir Désir avec un presque timide "A l'envers, à l'endroit"... "Ma Muse" a suspendu le temps, surexcitation générale dès que le riff de "Tostaky" a retenti, suivi de "Ici Paris", "Lost"... "Anthracitéor" jusqu'entre les lignes... Et pour finir, "L'homme pressé" avant ou après c'est pas important, quelques autres puis "Le vent nous portera", pour ma part heureuse et en sueur jusqu'au bar. Faut bien se réhydrater...
C'est ma seule photo souvenir... Tous ces écrans levés sont une véritable source de pollution visuelle pour moi.
Certains brandissaient des affiches durant les moments de silence, comme celle-ci, photographiée au sol... Moi j'avais rien dans les mains, sinon mon coeur et "des fleurs de cavale"... Noyée dans la marée humaine, je n'éprouvais pas le besoin de revendiquer ma présence ou me faire remarquer plus qu'un(e) autre. Bon OK, j'avoue qu'avoir échangé un regard furtif à travers nos lunettes de soleil l'année dernière (dans une rue de Bordeaux) me laisse un souvenir à l'émotion impérissable... Tout comme cet autre regard levé sur mon prénom lors de la dédicace de l'un de mes bouquins par le groupe des "Têtes Raides"... Tout comme ce sourire "reconnu" échangé avec Howard Buten (qui lui n'est pas vraiment chanteur, plutôt un écrivain psychologue déguisé en clown musicien, mais un grand artiste quand même). Des petites secondes d'éternité...
De toutes parts fusaient des retours positifs sur la prestation tant espérée, puis tant attendue de celui qui restera forcément le leader du groupe Noirdez d'une époque qui nous unit tous dans la nostalgie. Digne mais non fier, il a eu le courage d'oser se montrer à nous...égal à ce que nous savons de lui, et surtout égal à lui-même. "Merci de votre soutien, je ne sais pas comment vous faites..." Moi non plus je ne comprends pas toujours pourquoi on m'aime...
Avant de voir le meurtrier, je vois l'homme meurtri... Et faudrait lui jeter des pierres? Le condamner à l'exil? Au suicide? Lui plus qu'un autre? Putain elle est belle la morale française. Deux concerts déprogrammés à ce jour... J'ai mal pour lui à m'en coller la gerbe.
L'intensité de l'intimité d'un concert de Cantat, rien que ça c'est déjà tout un poème... Son charisme, sa voix, si vibrante, bouleversante, qui résonne jusque dans mes ténèbres. Les différents jeux de lumières sur la puissance de sa poésie chantée, hurlée, implorée, murmurée qui devient silencieuse lorsqu'elle atteint ces parties dissimulées au plus profond de moi... Quand elle me permet de chialer un bon coup dans mes oubliettes ou de relever la tête pour marcher (à peu près) droit...
S'il y avait un concert à ne pas louper, c'était celui là. Au nom de tous les écorchés vifs, merci infiniment Bertrand.
Je compte les quelques jours avant d'assouvir mon envie d'encore...
Si je me fais rare par ici (aussi), c'est parce que je traverse une période T.S.A... Je ne parviens plus à sortir des phares de la mer d'Iroise... Non c'est pas vrai. Si un peu...
J'avoue que je me suis un peu laissée "envahir" par mes passions obsessionnelles... Je ne fais pas exprès de disparaître une fois tous mes devoirs bien faits. J'ai besoin d'être seule (et dehors) le plus souvent et longtemps possible, sinon j'étouffe. Et quand j'étouffe, je panique. Et quand je panique, je fais des conneries...
C'est comme ça que je vis, pour l'instant. Et je vais...
Putain, il est tard...