L'Écosse, suite et fin. Si je devais vivre
L'Écosse, suite et fin.
Si je devais vivre quelque part là bas, je choisirais sans hésiter l'Île de Skye, la plus grande des Hébrides intérieures... L'île des brumes aux paysages grandioses et sauvages, emblématiques de l'Écosse...
Au nord de Portree, le Old Man dans le massif du Storr vu du Loch Leathan.
Ce soir là, la lumière était magnifique sur la péninsule de Trotternish, offrant un panorama à me clouer le bec sur les îles de Raasay et Rona.
L'ascension pour atteindre cet immense menhir de basalte était à la portée des enfants...sur un sol sec. Hélas, les pluies avaient rendu le sentier trop glissant voire dangereux par endroit. Il était plus sage de prendre la décision de redescendre à mi chemin. C'est donc seule que j'ai poursuivi l'escalade.
Je voulais toucher l'homme qui penche, mais j'ai pas osé. Il se fait si vieux, j'ai eu peur qu'il s'écroule sur moi. (C'était bien plus probable que de croiser des siamois reliés par l'estomac dans les Highlands! ;) )
Glenbrittle, aux pieds des Cuillins Hills.
Les montagnes ne "m'écrasent" pas lorsqu'elles se trouvent en bord de monde. Je pouvais me balader des heures dans le paysage en suivant le rythme de mes envies, en focalisant sur le mouvement de mes pieds qui se posaient l'un après l'autre. Je pensais à ma théorie des petits pas...
Giono disait: "Si tu n'arrives pas à penser, marche; si tu penses trop, marche; si tu penses mal, marche encore". Oui...
Souvent, je faisais des pauses contemplatives, le dos tourné à la montagne, fidèle à l'attirance viscérale du grand bleu, connectée aux vérités indicibles perçues dans son mouvement perpétuel symbolisant la vie.
La vie...
Ici j'ai vu un aigle royal. Habituellement, les rapaces peuplent mes nuits noires de cauchemars... Je l'ai regardé tournoyer dans le ciel bleu et disparaître derrière les cimes, c'est tout. C'était juste un aigle, j'étais pas sa proie.
On ne peut pas aimer tous les oiseaux...et les aigles me détestent.
S'enfumer... Après les avoir presque tous testés, je crois que c'est le seul moyen réellement efficace pour ne pas se faire dévorer par les midges. C'est à cause d'eux que personne ne traîne dehors après le dîner de...18h.
C'est sur la plage de Glenbrittle que j'ai cueilli ce caillou qui ne me quitte plus. C'est le coeur cabossé...
J'ai bien cru que j'allais aussi cueillir une toupie jaune! Mais non. Ça relèverait vraiment de l'ordre du miracle s'il m'arrivait de trouver une toupie anonyme échouée sur une plage. ;)
Nous avons passé une journée formidable le long des Fairy Pools.
La rivière Brittle (je crois) dévalait des sommets des Cuillins Hills en cascades et piscines aux eaux cristallines.
Un lieu enchanteur dans lequel je tendais l'oreille pour percevoir les voix du ruisseau....
Les enfants ont adoré cette balade, nous réclamant d'aller toujours plus loin, plus haut. Sortis de la zone touristique, le chemin devenait plus tourbeux et caillouteux, les cuisses chauffaient mais on respirait enfin la solitude! Et puis c'est bien connu, les fées ont besoin de silence pour apparaître!
Un "Càrn" seul et isolé pour prolonger mon passage face au Sgurr un Fhesain, la montagne blessée.
Et j'ai rencontré ces deux là, isolés ensemble...
J'ai pas pu m'empecher de faire ma tête de con en fraudant l'entrée du château d'Eilean Donan à Dornie. A cause du gros blaireau de la billetterie... Bref, je ne suis donc pas passée sur le pont, mais dessous... Le loch Alsh était à sec et aucune barrière pour me barrer d'accès à l'îlot. Fastoche...
Bien sur, j'avais un peu honte avec mes Converses recouvertes de vase sur les beaux tapis... mais j'avais économisé au moins dix livres! Je suis revenue en empruntant le pont comme tout le monde, mais avant j'avais détaché mes cheveux et dissimulé mon pull rouge dans mon sac. Comme ça, j'ai pu dire au revoir au gros blaireau... C'est important la politesse sans déconner.
Loch Leven, dans la vallée de Glencoe et son passé sanglant... Deuxième jour de pluie...
C'est là que j'ai commencé à ressentir le mal du pays...
Puis le loch Lomond... La pluie toujours... Je me perdais dans la brume.
J'avais fait une chouette rencontre...
"That you know everything... Do not repeat it anyone".
Il était vraiment sympa ce MacMarcellin (j'ai hésite avec MacBernardin), qui se faisait chier au moins autant que j'avais envie de rentrer...chez moi.
Je ne perdais pas une occasion de me balader dans les cimetières écossais... Parfois à la recherche d'une tombe bien précise, mais aussi pour le calme et la sérénité qu'ils dégageaient. Dans celui de Luss, il y avait une tombe de viking... Et puis il y avait aussi celle de Lady Devorgilla à Sweetheart Abbey près de Dumfries...
Caerlaverock Castle... On a visité cette magnifique forteresse (triangulaire) médiévale de jour, j'y suis revenue de nuit... C'était probablement un animal qui projetait des ombres sur les murs du château... Le reste, c'était dans ma tête.
C'était notre dernière nuit en écosse, il n'y avait rien de triste à cela.
Mon voyage symbolique s'était achevé sur l'île de Skye, mais pas nos vacances. On est quand même rentrés quelques jours plus tôt, un peu à cause de moi, mais j'ai tenu bon jusqu'à Glasgow...sans me mettre à chialer pour une ricoré ratée. ;)
Le mal du pays, c'est un peu comme le mal de mer. Ça commence à aller mieux quand on sait qu'on rentre au port. ;)
J'avais besoin de revenir chez nous, chez moi, près de mes rives et de mes bouts du monde, plus si loin de ma belle caillasse là bas...
Ce voyage en Écosse n'était qu'une façon d'adoucir et d'embellir cette salope de fatalité. Je sais qu'il gagnera en valeur avec le temps...et les "petits pas". Bien sur, il y aura toujours cette douleur qui me toise certains jours, ces maux qui ne seront jamais des mots, mais j'ai enfin pigé que je perdais moins de larmes en acceptant de vivre avec plutôt qu'en m'épuisant à m'y opposer.
J'ignore qui je serai demain, mais je sais exactement qui je suis aujourd'hui et celle d'hier s'y reconnaît. Je vais m'efforcer de vivre la vie qui me ressemble le plus...
...et c'est déjà pas mal.